Lui qui porte le nom d'un reptile africain, Varan des Savanes est une nouvelle vedette anglo comme on n'en fait que bien peu, petit fils de l'arabe Kerberoy qui saillissait des ponettes avant de devenir une star internationale à près de 20 ans. Une grand mère achetée par des personnes agées, une mère donnée l'administration et un poulain élevé par les Haras Nationaux, comme un Baroud d'Honneur pour le défunte institution dans les courses avec ce fils de Carghese des Landes. Bref, une histoire qui croustille. Par Adrien CUGNASSE.
Varan des Savanes, élevé par le Haras National de Pompadour, est la nouvelle vedette du printemps 2014. (PHOTO JEAN-PIERRE RIVIERE)
Lauréat du Critérium des Jeunes à 3 ans en 2013, Varan des Savanes semble se bonifier avec l'âge et il réalise une première partie de saison remarquable en 2014. Il s’est ainsi imposé successivement dans le Prix de Sélection puis dans le Grand Prix d’Aquitaine. Affublé d’un nom fort original ce produit de la jumenterie de Pompadour est l’un des bons éléments du premier semestre 2014 pour le compte de Jean-Marie Lapoujade et Thierry de Lauriere.
Une famille qui brille au Brésil
La souche de VARAN DES SAVANES trouve son origine dans l’inégalable creuset que furent les vieilles souches Françaises Pur Sang. Au milieu des années 60, La Martinique (Turmoil et Roquebrune par Motrico) intègre l’effectif de l’élevage Parveau près de Pompadour. Son père Turmoil fut un grand stayer, gagnant du Prix du Cadran et du Grand Prix de Deauville. Après avoir donné Popof (Grand Prix de Paris, bon père d’AQPS à la Roche sur Yon) il fut exporté en Amérique du Sud où il sera tête de liste des pères de gagnants. Il rejoindra à cette occasion un autre fils du chef de race Tourbillon, Fort Napoleon (VOIR PHOTO CI-CONTRE), né en 1947 par Tourbillon et Roquebrune par Motrico. Ce frère utérin de La Martinique avait gagné le Prix d'Ispahan et le Prix Jacques le Marois. En ces heures d’ivresses footballistiques, le Brésil est à la mode et Fort Napoleon fut un étalon important dans ce pays. Du Brésil à La Martinique, on est toujours dans l’exotisme mais avant d’arriver au non moins exotique Varan des Savanes, il convient d’évoquer une étape importante en Limousin.
Parveau, un grand nom de l’élevage Corrézien
Depuis son fief de Pompadour, l’élevage Parveau fut l’un des fers de lance du Sud Ouest hippique au sortir de la guerre. Forte de nombreux gagnants régionaux et Anglo-Arabes cette écurie se distingua très régulièrement avec ces derniers à Paris (Pouncho, Le Mioche…) ce qui était tout a fait exceptionnel à l’époque. Le fait d’arme de cette écurie fut sans aucun doute la victoire de Dragon Vert dans le Grand Prix de Merano. Au terme de sa carrière sportive il sera étalon chez son propriétaire et naisseur où il prendra la suite de Le Moutard (père de Le Mioche et Cascarine, l'aïeule de Chef de Clan).
Varan des Savanes a été acquis par Jean-Marie Lapoujade, un homme à qui tout réussi en matière de course. Il est entrainé par Thierry de Laurière, le grand spécialiste des anglo-arabes. (PHOTO JEAN-PIERRE RIVIERE)
C’est dans ce contexte que Dragon Vert saillira La Martinique pour donner Terre Brûlée. Avec Paris Jour (2e du Prix de Barbeville, Gr.3, et 3e du Prix Noailles, Gr.2, étalon bien connu des éleveurs d’obstacle) Terre Brûlée donnera Belle Briance. Cette dernière sera elle même la mère de Jolie Briance par Mad Captain. Cheval solide (24 sorties de 2 à 5 ans), ce dernier s’était distingué sur le mile au niveau groupe (Prix du Chemin Fer du Nord Gr.3, 2e du Prix Perth Gr.3, 2e du Prix de Guiche Gr.3) en parallèle de quelques succès de niveau inférieur sur 2000 mètres. Bien que difficile à utiliser, ses filles se sont révélées être de bonnes mères. Via sa fille Liobriance (Orellan), Jolie Briance est à l’origine de Kirane du Bost (Poule d’Essai devant Fantagaro, Prix Floraline devant Frivole du Pecos, 3e du Grand Prix des Pouliches).
Paris Jour, un pur-sang élégant qui a laissé un bon souvenir aux éleveurs d'obstacle.
Kesberoy, le chef de race qui saillissait des ponettes
Avec l’Arabe Kesberoy, Jolie Briance donnera Valse Dompoise, la mère de Varan des Savanes. Deuxième du Prix de Sélection, gagnante du Prix Farivda IV et du Critérium du Golfe de Gascogne, elle fut aussi 3e du Prix de l’élevage 2011. Dans cette édition particulièrement relevée elle était devancée d’une longueur et demi par Manga Blue qui était elle même “battue tête” par l’intouchable Jolie Perle du Lac. Une ligne sérieuse malgré un avantage certain au poids.
Jument généreuse, Valse Dompoise était “ facile à entraîner mais pas à monter car elle tirait beaucoup ”. Michel Thabuteau, permis d'entraîner, s’en souvient comme d’une “petite jument, avec une locomotion remarquable et un bon caractère. Avant chacune de ses victoires je la trouvais allongée de tout son long dans son box, il fallait que je la réveille pour la seller !”.
Son père, le fameux PSAR Kesberoy est né en 1973 chez Xavier de Watrigant dans les Landes. Cet Arabe présentait un pedigree royal aussi bien du coté paternel que maternel (famille de l’étalon Kesbeth et de la championne de Cross Country Kesbera). Meilleur cheval de sa génération à trois ans et grand reproducteur chez les Arabes il ne sera malheureusement presque pas utilisé chez les Anglos. Michel Thabuteau se souvient: “ C’était la crème de la crème, bâtit en athlète, il saillissait en licol. Je m’occupais de lui dans une station du fin fond de la Creuse, où jusqu’à l'âge de 18 ans il a saillit une majorité de juments sans papiers et du tout venant. A cet âge les éleveurs d’Arabes ont pris conscience de sa qualité et il a produit des cracks en course. On voyait débarquer en Creuse des juments en provenance des haras des plus grandes écuries du Moyen Orient”. (NDLR : la grande époque des Haras Nationaux).
Kesberoy, un étalon arabe mémorable qui saillissait pourtant n'importe quoi jusqu'à l'âge de 18 ans.
C’est également Michel Thabuteau qui fut à l’origine du croisement de Valse Dompoise, il nous confiait récemment: “ Je connaissais des personnes âgées (R. Pétignaux et JP Quintanel) qui faisaient saillir des juments sans papiers dans le nord de la Haute Vienne. Je leur ai conseillé d’acheter une jument avec des papiers et ce fut Jolie Briance (qui n'a pas eu de produit déclaré entre 1989 et 1995. Ne sachant pas avec qui la croiser, je leur ai conseillé d’utiliser Kesberoy. Puis j’ai acheté la pouliche à la naissance”.
Quelques années plus tard, muté à la jumenterie nationale de Pompadour et n’ayant pas les infrastructures pour élever, Michel Thabuteau fera don de Valse Dompoise à l’administration. C’est ainsi qu’il fera naître Varan des Savanes qui était “ un poulain sérieux mais pas tape à l’oeil. Un peu long comme sa mère, pas très chic comme son père mais bien fait et sympa”. A ce jour Varan des Savannes est le meilleur produit de sa famille.
Plaidoyer pour les “50 direct”
Il est natif de Pompadour, c’est à la Teste que Varan des Savanes est entraîné. Son co-propriétaire Thierry de Laurière nous confiait récemment: “J’ai acquis le cheval sur les conseils de Michel Thabuteau. Par la suite j’ai revendu une partie à Jean Marie Lapoujade. C’est un bon cheval, il est athlétique et il galope c’est certain. Il a bien démarré son année, mais il faut attendre la suite même s’il a bien récupéré de sa dernière course”.
Il poursuit: “ Chez Varan des Savanes l’apport de sang neuf par la mère (Arabe sur Pur Sang) est très intéressant. Je crois qu’il faut un jour ou l’autre revenir à l’Arabe. Pour cela il faut utiliser des juments pur sang de qualité avec des étalons Arabes qui galopent car il faut de bonnes bases deux cotés. Cela permettrait d’apporter du sang neuf dans tout les catégories, des 50 aux 12,5%. Au haras et en piste les exemples positifs ne manquent pas, comme Jeune Marie, Erreur, April March, Dearling, Mangarose, Beauty de Cajus, Duc du Paon, Mediatik, Carlotta du Paon…”. Force est de constater la réussite d’un tel croisement, en particulier si l’on prend en compte leur relative rareté et l’utilisation trop récurrente de mères moyennes ou médiocres.
