Dr Patrick Saint-Martin : " Risque de dégradation de la note de l'Anglo "

11/10/2012
La France, vous le savez, conserve avec peine son AAA.L’Anglo-Arabe n’est, d’origine, pourvu que d’un AA. L’Anglo (version course), quant à lui ne possède qu’un A. Ce ne sont bien sûr que de simples coïncidences orthographiques. Le monde est en pleine mutation, l’Anglo en fait partie et il est fondamental et urgent de préparer l’avenir de façon lisible et cohérente car certains indicateurs sont aujourd’hui à la cote d’alerte, dans un contexte de forte récession des naissances des Anglo-Arabes.

Contribution au débat

I - Les courses et leur programme
 
Si ce n’est pas l’Agence « Standard and Poor’s » qui nous surveille, c’est bien l’institution France Galop, notre autorité de tutelle, qui s’en charge. Nous lui avons envoyé des signaux très négatifs :
-  faible nombre de partants dans certaines réunions surtout chez les 3 ans
-  modification des conditions de courses en cours d’année qui s’ajoute à un changement de programme d’une année sur l’autre (Prix Corene…)
 
Cela entrainera à terme des conséquences négatives sur nos allocations (rappelons nous leur blocage en 2010 en plat alors que les autres races étaient augmentées) si nous n’adoptons pas rapidement des mesures fortes.

A/ Filière femelle plat 3 ans

 
A l’instar des autres races, elle permet aux pouliches de se préparer entre elles avant d’aller sur des courses sélectives qui leur sont réservées ou bien avant d’affronter les mâles. Pour cela, il est impératif d’ouvrir aux 12,5% toutes les courses réservées actuellement aux seules 25%, ce qui leur permettra de se valoriser plus précocement et induira mécaniquement une augmentation du nombre de partants. Notons que cette disparité n’existe pas entre les 37,5% et les 50% (importance développée ci-dessous), aucune raison sérieuse ne s’oppose à ce qu’il en soit de même dans la catégorie précitée.
 
 B/ Sélection des femelles futures reproductrices
 
La base de notre race est l’AA 50% à partir de laquelle toutes les déclinaisons peuvent être créées. L’AA 50% par contre ne peut que s’auto-générer (les croisements PS x PSA sont très rares et ne sont pas, par essence, dans le cœur de métier de l’éleveur Anglo). Il est nécessaire de créer un programme cohérent pour ces pouliches et juments, vivier de la race, adapté à leurs performances qui leur permettra de rester à l’entraînement et d’impacter positivement l’effectif de partants.
Je remarque que l’Omnium des Juments (Tarbes, octobre) est ouvert des 25% aux 50%, ce qui le rend particulièrement incompréhensible en matière de politique de sélection. Il ne devrait bien sûr que s’adresser qu’aux 50% et s’intégrer à une filière spécifique.
 
 
C/ Création d’une commission de travail sur le programme
 
Cette tache est complexe et délicate et mérite d’être partagée au sein d’un groupe de travail exerçant en totale objectivité.
 
 
II - Les poids de base et décharges
 
A / Considérations générales
 
Quelle est la raison objectivant un différentiel de décharge entre 25% et 12,5% d’une part (4 kg), 50% et 37,5% d’autre part (3 kg) ? Ces écarts de pourcentage étant égaux, les décharges doivent être similaires, soit 3 kg, avec décharge intermédiaire de 1,5 kg pour les 18,5%.
Il est inéquitable de pénaliser aussi lourdement les 12,5%, catégorie créée par les vœux d’Anglo-Course qui a du mal à exprimer pleinement son potentiel. Paul Couderc ne les baptisaient-ils pas si justement : « les Anglos aux semelles de plomb » dans un article précédent ?! J’aborderai dans un chapitre suivant l’importance de leur compétitivité en plat pour la sélection des futurs étalons 12,5%. L’Assemblée Générale 2011 a déjà validé une première modification de la décharge, il est clair qu’un règlement se doit d’être évolutif.
 
B / Cas des courses d’obstacle
 
L’Anglo à 12,5% courant en obstacle peut être une vitrine pour la race, à condition d’effectuer une communication adaptée, pouvant déboucher sur des transactions commerciales dans un marché qui reste confidentiel jusqu’à présent. A de rares mais prestigieuses exceptions près, peu d’Anglos ont réussi contre d’autres races. De plus, les professionnels ignorent que ce sont des AA, les assimilant bien souvent à des AQPS. Afin que ces chevaux puissent performer sans être usés prématurément, il est indispensable que le poids de base soit réduit (il est actuellement de 68 kg à 3 ans, 70 kg au delà) et aligné sur celui des PS ou AQPS : 66 kg en moyenne. Les Anglos 12,5% doivent se rentabiliser en courant d’abord dans leur race, avec des conditions de poids réalistes (même s’il existe toujours des phénomènes capables de porter 75 kg, il n’y en a pas légion ; pensons aux autres), et s’ils sont concurrentiels, ils iront naturellement se confronter aux PS et AQPS dans les hippodromes de catégorie supérieure. L’esprit de compétition prévaudra spontanément, ce qui est préférable à un règlement arbitraire de pénalisation abusive par le poids.
Les 12,5% d’obstacle doivent bénéficier d’un statut particulièrement adapté, en tant qu’icônes de la race dans cette discipline, sinon était-ce la peine de les créer ? Les 25% reçoivent naturellement une décharge de 3 kg (les 18,5%, 1,5 kg). Les 37,5%, qui n’ont pas vocation à être les porte-drapeaux de l’obstacle, doivent courir au même poids que les 25% (avant la réforme du 12,5%, les chevaux de 25% à 49% étaient à égalité de poids ; quelle raison sérieuse objective à présent une telle décharge en leur faveur ?), leur participation ne doit pas se faire au détriment d’une surcharge des 12,5% : différentiel de 7 kg remontant le curseur du poids de base à 70 kg (Mid Dancer, sur 39 courses et avec plus de 3 millions d’euros de gains n’a couru que 5 fois avec plus de 68 kg). Si notre réglementation n’évolue pas dans ce sens, il est fort à craindre un désintérêt des éleveurs et propriétaires pour les 12,5% : ils resteront en 25% ou s’orienteront naturellement vers l’AQPS ou le PS à vocation obstacle, avec pour corollaire un échec de la réforme du 12,5%.
 
 
III - Les étalons
 
A - Considérations générales

Notre race dispose d’un parc d’étalons assez restreint qui peut être menacé par la consanguinité, fort heureusement renforcé par Bénévolo de Paban et Frisson du Pécos (nous l’espérons, pour pérenniser le 50%).
 
B / L’étalon Anglo à 12,5%
 
Nous avons actuellement des juments 12,5% conçues dans le cadre de l’élargissement de notre panel de pourcentages, mais pas d’étalons pour assurer leur descendance dans cette catégorie. S’il ne sert à rien de regarder dans le rétroviseur, la plupart des éleveurs regrette l’absence de Cherco (apport d’une génétique originale tant maternelle que paternelle), surtout qu’une majorité d’entre eux s’était prononcée en sa faveur ! « Errare humanum est, perseverare diabolicum ».
 
Le futur nous laisse dubitatif :
 
- Ces 12,5% qui iront en obstacle seront pour la plupart hongres : impasse génétique même si performances au top. Rappelons que parmi les 25 étalons tête de liste en obstacle, seuls Saint Des Saints et Kapgarde sont des purs chasers, contrairement à Poliglote, Turgeon, Martaline, Network, etc. qui n’ont couru qu’en plat.
-  Ces futurs étalons 12,5% seront donc a priori issus de la sélection en plat d’où l’impérieuse nécessité :
  • D’une part, de croiser les juments 25% avec des étalons PS catégorisés production plat (vitesse/précocité) et non principalement labellisés production obstacle ;
  • D’autre part, de ne pas pénaliser l’excès par le poids (« Syndrome Cherco », voir chapitre précédent) ; pourquoi ne pas réserver une ou plusieurs courses Classiques aux 12,5% (Vichy par exemple, etc.) ?
 Faute de quoi, il sera particulièrement difficile de sélectionner un étalon, la production des juments 12,5% sera en partie absorbée par l’AQPS (qui n’ont pas besoin d’étalons propres, se rapprochant en permanence du PS) alors que le règlement du 12,5% avait précisément pour vocation d’éviter cette dérive pour les 25%. N’aurait-on, dans ce cas, que décalé le problème d’une génération ?
 
 
IV - Démarche vis à vis des propriétaires et de France Galop
 
Actuellement, la majorité des propriétaires sont aussi éleveurs, les débouchés commerciaux de l’élevage sont restreints et pas toujours valorisants, d’où le risque de cercle vicieux : sureffectif dans les herbages par manque d’issue pour exploitation par un tiers en course, entraînant une diminution du nombre de saillies (très notable chez les PS), donc du pool de partants, et au bout du compte un tour de vis drastique de France Galop.
 
Une politique de communication réelle et objectivée tant en interne qu’en direction des futurs propriétaires, adressant des gages de clarté pédagogique et de cohérence de notre organisation ne pourrait qu’être bénéfique aux Anglos, perçu de l’extérieur comme un système trop complexe pour être facilement compris par les non-initiés. Il est en effet plus simple d’appréhender le fonctionnement des courses PS, AQPS et PSA. Ce même message à France Galop serait lui aussi fort apprécié.

 
 
Patrick Saint-Martin


Commentaires

Tout à fait d'accord , il faut que les choses changent vite pour continuer les 12%50..
Haras de buonanotte - 17-10-2012 09:05
Fais je castrer le propre frère de Monpilou ou serait il d'une utilité pour la filière ? Jacques Détré
jacques DETRE - 20-10-2012 12:14